Qui ne s’est pas arrêté un jour au bord d’une prairie, retenu soudain par le sondage insistant de ses deux yeux ronds ? – : « à quoi cette vache peut-elle bien songer en me fixant ainsi ? » – … avant de passer son chemin. Depuis presque dix ans, Pauline Garcia, une agricultrice du Cantal, insiste, elle, à vouloir résoudre le mystère. Initiée à l’éthologie, la jeune femme s’est fait un nom en proposant à un large public d’éleveurs et d’intervenants une mise au jour du langage caché, en quelque sorte, de nos paisibles ruminants, justement pas toujours si paisibles, parfois même inquiets, stressés, agressifs, dans tous les cas compréhensibles pour peu qu’on s’y attarde avec patience et attention….
Pas d’anthropomorphisme facile ici mais bel et bien mais de l’éthologie appliquée, sur le fondement d’un corpus scientifique constitué ces dernières décennies par quelques spécialistes auprès des primates, des chevaux voire de certaines espèces d’oiseaux. Pour Pauline, l’objectif est d’améliorer la relation homme- animal
Pour Pauline, l’objectif est d’améliorer la relation homme- animal en général, la relation éleveur – bovin en particulier. Pauline Garcia est précurseure dans l’approche comportementaliste des animaux dits d’élevage, en particulier des ruminants, dont les facultés sont souvent sous-estimées par les humains.
… A tort démontre la jeune femme à force de conférences, de coachings, de formations délivrées auprès d’éleveurs et de publication sur le sujet (1). « Les animaux sont observateurs, captent nos émotions, procèdent à des associations de comportement, et se souviennent très bien, explique-t-elle au détour d’un stand du salon de l’élevage où elle vient de donner conférence. Ce que l’éleveur, parce que pris dans sa routine, n’a pas forcément en tête. Mais un jour, une vache dont il ne se méfie pas va le bousculer… et ce faisant répondre à quelque chose. Car, il y a forcément une explication, très vraisemblablement liée au comportement inconscient de l’éleveur ». La vache épie son monde. Pauline l’illustre via un post facebook, où l’animal observe sans être vue.
« J’ai vu pendant la traite ta tête des mauvais jours, fait dire Pauline à l’une de ces vaches, et ça me stresse… oups, j’ai lâché une bouse » ; « J’ai vu comment tu actionnais la poignée pour ouvrir la barrière… Tiens, si j’essayais avec ma langue ! », etc. Un éthologue connaît parfaitement les facultés sensorielles de l’animal. Pourquoi une vache marque-t-elle souvent un arrêt au sortir d’un bâtiment où d’un camion, ce qui souvent lui vaut une invitation à avancer, au coup de bâton ? Parce que l’œil d’une vache n’est pas fait pour les lumières vives et la confrontation aux forts contrastes et qu’il lui faut prendre ses marques… Les animaux d’élevage sont des êtres sociaux, sensibles et très réactifs à leur environnement mais l’éthologie appliquée à l’élevage ne peut l’être séparément des facteurs humains.
» Mon but est de rendre la vie plus agréable aux éleveurs mais parfois, ce sont aussi les problèmes personnels qui sont en cause. J’essaie de les cerner avec les intéressés car l’expression de ce mal-être, les animaux en sont les éponges, le mémorisent et s’il s’installe à long terme, le transmettent aux générations suivantes «
Parfois, pour un éthologue animal, il faut du temps pour gagner la confiance des humains et les convaincre du bienfondé d’une telle approche. « Le père de mon associé nous a longuement observés à distance. Nous caressions nos vaches avec une longue brosse, se souvient Pauline, et puis un jour je l’ai vu ramasser la brosse et s’y mettre lui aussi. Dans ce cas, c’était gagné… »
Fondatrice de sa société, Etho-Diversité, Pauline Garcia est parvenue à jeter un pont entre le savoir issu des chaires universitaires de l’éthologie animale et un public du quotidien animalier qui sur les réseaux aujourd’hui témoigne régulièrement des effets obtenus sur la base des enseignements et des enrichissements qu’elle a conçus. Son itinéraire personnel n’y est évidemment pas pour rien dans cette appétence pour la relation à l’animal, grâce notamment – et comme souvent – aux chevaux, dont quelques spécimens ayant marqué l’histoire familiale ont contribué à son expérience. Chevaux auxquels l’éthologie s’est d’ailleurs intéressée bien avant les ruminants.
Après quelques années passées à côtoyer une matière proprement humaine, celle-là, dans les milieux de la télé parisienne, Pauline s’est reconvertie au travers de différentes formations agricoles liées à l’élevage : osthéopathie, médecines alternatives, éthologie bovine auprès de l’Inrae de Theix dans le Puy-de-Dôme, sans oublier un brevet d’exploitant agricole puis une installation dans le Cantal où Pauline, avec ses vaches salers et aubrac, dispose en quelque sorte d’un outil à domicile pour asseoir ses observations, ses évaluations et ses protocoles. Pauline est labelisée par la Société française pour l’étude du comportement animal (Sfeca), pour les équins et les bovins. Elle intervient notamment au sein du centre Eliance formation auprès des candidats au Certificat d’aptitude à la fonction de technicien d’insémination (Cafti).